Portrait Sofia Gatica Goldman Environment Prize
21.11.2017 Agir

«Je sais que l’on peut lutter contre le démon»

Sofía Gatica a perdu sa fille en raison de l’utilisation massive de pesticides sur les plantations transgéniques en Argentine. Depuis, elle lutte avec acharnement contre Monsanto.

Cette Argentine de 50 ans (au milieu sur la photo), employée administrative dans un dispensaire municipal de Cordoba, la deuxième ville du pays, a vu son existence chamboulée à la naissance de sa fille Nandy: la petite décède trois jours seulement après être venue au monde en raison d’un dysfonctionnement grave des reins. Sofía Gatica est vite convaincue que l’exposition aux pesticides en est la cause. Depuis, sa vie est un combat acharné contre le géant agroalimentaire Monsanto, qui recourt à ces produits chimiques dans sa région notamment, mais aussi ailleurs dans le pays.

Pro Natura: en 2013 et en 2015, vous avez été victime d’agressions physiques et de menaces graves. Pour quelles raisons?
Sofía Gatica:
en 2012, dans la localité de Malvinas Argentinas, j’ai décidé de bloquer l’accès au terrain sur lequel Monsanto prévoyait de construire la plus grande fabrique du monde de semences transgéniques. La multinationale avait causé la mort de ma fille, et par leur faute, mes fils avaient des résidus chimiques dans le sang. Avec d’autres militants, nous avons empêché Monsanto de construire sa fabrique de la mort en prenant possession des lieux. Alors j’ai été menacée avec des armes à feu. Depuis, je suis accompagnée, comme mes enfants, par des gardes du corps. Malgré cela, des hommes de main de la multinationale m’ont frappée, et j’ai été hospitalisée à plusieurs reprises. Une plainte a été déposée contre moi pour les dommages que j’aurais soi-disant causés. Mais ce sont eux qui empoisonnent et tuent des gens!

Vous affirmez que le glyphosate est responsable de multiples maladies et de la mort de centaines de personnes. Sur quelles bases vous appuyez-vous?
Autour de chez moi, dans le Barrio Ituzaingo, j’ai personnellement pu vérifier, en faisant du porte à porte et en menant une véritable enquête épidémiologique, que la plupart des personnes avaient le cancer, en raison de la proximité des plantations de soja transgénique aspergées par des millions de litres de glyphosate. On ne savait pas que le soja pouvait être mauvais pour la santé: on en mangeait en salade, les petits jouaient dans les champs après ou pendant les pulvérisations. Se basant sur une étude officielle, le gouvernement régional de Cordoba a établi que 33 % de la population locale avait le cancer, et que le sang de 80 % des enfants était contaminé par des produits phytosanitaires.

En 2012, vous avez reçu le Prix Goldman, le «Nobel» de l’environnement. Cela vous a-t-il aidée dans votre combat?
Je me suis sentie reconnue, protégée et cela m’a donné la force de continuer à lutter. J’ai aussi le soutien inconditionnel de l’association «Madres de Ituzaingo» qui parcourt le monde pour dénoncer les méfaits de Monsanto. Grâce à notre ONG, des responsables locaux de Monsanto ont été en prison, mais la multinationale en tant que telle n’a pas été condamnée. A un niveau plus global, nous avons freiné l’expansion de Monsanto dans plusieurs pays. Je sais désormais que l’on peut lutter contre le démon.

François Musseau

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Cet article a été publié dans le Pro Natura Magazine.

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