Dans un paysage hivernal, un chasseur marche dans la neige fraîche. Edgar G. Biehle / iStock
04.01.2024 Protection des espèces

«C’est un affaiblissement brutal de la protection du loup»

La nouvelle ordonnance sur la chasse, introduite en novembre par le conseiller fédéral Albert Rösti, s’avère problématique non seulement du point de vue de la protection de la nature, mais aussi juridiquement. Selon l’avocat Michael Bütler, elle entre en conflit avec plusieurs lois. Il estime nécessaire que les tribunaux se saisissent du sujet.
Magazine Pro Natura: Michael Bütler, où en est la situation juridique du loup en Suisse?

Michael Bütler: le loup, jusque-là protégé, devient juridiquement une espèce que l’on peut chasser. Dans le pire des cas, on peut s’attendre à un massacre cet hiver.

Vous avez analysé le projet de révision de l’ordonnance sur la chasse sous un angle juridique. Comment l’évaluez-vous?

Je le juge insuffisante. Une ordonnance ne devrait régler que les détails de la mise en œuvre des dispositions générales de la loi ou de la Constitution. Les nouvelles dispositions ne sont pas faciles à comprendre, même pour les spécialistes et, selon l’interprétation, elles sont difficilement conciliables avec différents principes constitutionnels et légaux.

Lesquels?

Par exemple, le droit international, c’est-à-dire la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage, ou la Constitution fédérale suisse, qui prévoit que la Confédération doit préserver les espèces menacées d’extinction. Il existe aussi différentes lois, la loi sur la chasse, la loi sur la protection de la nature et du paysage ou la loi sur les forêts. Ces nouvelles dispositions de l’ordonnance sur la chasse font primer un intérêt, celui de décimer le loup, pratiquement sans tenir compte d’autres intérêts tout aussi importants.

Comment cette ordonnance sur la chasse entre-t-elle en conflit avec la loi sur la chasse à laquelle elle est théoriquement subordonnée?

La loi révisée sur la chasse, qui est partiellement entrée en vigueur en décembre 2023, stipule que l’effectif de la population de loups ne doit pas être mis en danger. Si tous les cantons décidaient maintenant, selon ce que permet l’ordonnance, de réduire au maximum les effectifs de loups, il se pourrait que le loup ne puisse plus survivre localement ni même régionalement.

La loi sur la chasse stipule également que les régulations du loup «doivent être nécessaires pour prévenir un dommage ou un danger pour l’homme lorsqu’il apparaît que des mesures de protection raisonnables ne seront pas suffisantes». Il s’agit donc toujours de prendre des mesures de protection telles que la pose de clôtures électriques et l’utilisation de chiens de protection avant de procéder à un tir. Est-ce que l’ordonnance le prévoit également?

L’ordonnance ne l’exige pas. Elle souhaite permettre une régulation jusqu’à l’atteinte d’un minimum de douze meutes, réparties de manière rigide sur cinq grandes régions. Le respect des conditions constitutionnelles et légales est toutefois prépondérant, ce qui signifie veiller à la survie de l’espèce, prendre des mesures de protection raisonnables avant d’abattre un loup et n’intervenir que lorsqu’un premier dommage mineur est survenu et documenté. En outre, un dommage important doit être imminent et pouvoir être vraisemblablement évité par la suppression de la meute.

Si l’ordonnance est contraire à la loi, est-elle au moins admissible au regard du droit?

Si le Conseil fédéral édicte dans une ordonnance des dispositions contraires à la Constitution et à la loi, celles-ci peuvent être attaquées juridiquement au cas par cas. Les nouvelles dispositions sont relativement floues et soulèvent plusieurs questions. Comment les demandes de tir des cantons seront-elles formulées et motivées? L’OFEV les approuvera-t-il toutes ou seulement en partie? Combien de demandes de tirs seront contestées par les organisations environnementales? C’est seulement avec la mise en œuvre que l’on verra comment les dispositions seront interprétées et si elles sont compatibles au droit supérieur.

La Confédération laisse-t-elle la responsabilité de la gestion du loup aux cantons?

Oui, la Confédération se dérobe un peu à sa responsabilité pour la confier davantage aux cantons. Cela pose problème pour plusieurs raisons: premièrement, la Confédération est responsable de la protection des espèces selon la Constitution, une tâche qu’elle délègue, à mon avis, trop largement. Deuxièmement, dans le climat de tension actuel, la pression sur les cantons et les organisations environnementales va augmenter. Et troisièmement, cette révision ne devrait être que temporaire, jusqu’à fin janvier 2025. La Confédération se tient du côté des opposants au loup, de sorte qu’il sera ensuite plus difficile de faire machine arrière. Jusqu’à présent, la protection du loup a toujours été assouplie par étapes. Cette fois, c’est un affaiblissement brutal de la protection du loup.

Vous avez évoqué la valeur seuil de douze meutes au minimum prévue par la Confédération. Existe-t-il des arguments juridiques contre ce chiffre rigide?

L’OFEV n’explique pas comment il a défini ce chiffre, ni comment la survie du loup peut être assurée avec douze meutes, alors que des études en recommandent davantage. Par ailleurs, deux principes juridiques sont violés: le principe de la proportionnalité, selon lequel une mesure étatique ne doit pas aller plus loin que nécessaire, et le principe de la légalité, qui présuppose qu’une disposition aussi radicale et nouvelle devrait être réglée au niveau de la loi et non de l’ordonnance.

Pour ce changement radical concernant un sujet aussi sensible, il aurait été souhaitable que la Confédération procède avec davantage de prudence. Quelles critiques adressez-vous à la Confédération?

J’ai le sentiment que la Confédération veut satisfaire de manière partiale et précipitée les intérêts des éleveurs d’animaux de rente, au détriment d’une espèce animale protégée. Il n’y a pas eu de discussion approfondie, ni de participation démocratique de tous les acteurs impliqués, ce qui serait pourtant nécessaire pour un débat aussi fondamental. Seules quelques associations ont eu la possibilité de prendre position pendant quelques jours, nous sommes donc loin d’une véritable consultation. En outre, il faudrait introduire des dispositions étendues au niveau de la loi, avec possibilité de référendum. À mon avis, cette procédure est inadmissible. Il serait donc souhaitable de contrôler la légalité des décisions de tirs douteuses ou contraires à la loi et de clarifier plusieurs points importants.

BRIGITTE WENGER est journaliste indépendante.

Informations complémentaires

Info

Avocat à Zurich, Michael Bütler est spécialisé dans le droit de l’aménagement du territoire et de l’environnement, ainsi que dans la problématique des dangers naturels.

Cet article a été publié dans le Magazine Pro Natura.

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