Wiese
31.03.2022 Crise de la biodiversité

Convention sur la diversité biologique: un cadre plein de points d’interrogation

Les parties à la Convention sur la diversité biologique, accord international, se sont réunies à Genève pendant deux semaines et ont travaillé sur un nouveau cadre de référence mondial en vue de juguler la crise de la biodiversité. Celui-ci, qui doit définir les objectifs à atteindre d’ici à 2030, doit être adopté cet automne lors de la COP15 à Kunming, en Chine. Résultat de la conférence préparatoire: quelques documents présentant de bonnes et de mauvaises approches, ainsi que de nombreuses questions sans réponse.

La Convention sur la diversité biologique (CDB) est le principal accord environnemental de portée internationale visant la protection de la biodiversité sur Terre. Elle a pour objectif de trouver des solutions globales à la crise de la biodiversité. La Convention sur la diversité biologique est composée de représentantes et représentants des 195 États contractants et de l’UE. Des scientifiques, des entreprises et des organisations environnementales participent également aux négociations, mais n’ont pas le droit de vote. La Convention sur la diversité biologique (CDB) en bref:

Quel est le rôle de Pro Natura dans la Convention sur la diversité biologique?

Pro Natura est l’une des représentantes de la Suisse et elle représente également Friends of the Earth Europe à la conférence.

Quel était l’objectif de la conférence à Genève?

Le dispositif précurseur du cadre de référence mondial était valable jusqu’en 2020. Un nouveau cadre mondial a été élaboré lors de la conférence à Genève. Il doit être adopté à l’automne 2022 lors de la 15e Conférence des Parties (COP15), en Chine, et rester en vigueur jusqu’en 2030.

Comment le cadre de référence mondial est-il mis en œuvre?

Le cadre de référence mondial fixe les objectifs qui doivent être atteints à l’échelle mondiale d’ici 2030 en vue de protéger la biodiversité. Un mécanisme de mise en œuvre cyclique a été défini pour le nouveau cadre mondial afin d’en améliorer la mise en œuvre:

  1. Les objectifs du cadre sont intégrés dans les différentes stratégies nationales en matière de biodiversité.
  2. Les 7e et 8e rapports nationaux de 2024 et 2029 doivent rendre compte de l’état de la mise en œuvre.
  3. Les mesures doivent être réajustées sur cette base.
Comment la mise en œuvre est-elle évaluée?

Des indicateurs harmonisés au niveau mondial permettent de déterminer si un objectif a été atteint. Nous nous sommes impliqués avec succès dans ce domaine, en collaboration avec nos organisations faîtières Friends of the Earth International (FoEI) et Friends of the Earth Europe (FoEE). Dans le nouveau cadre de référence, des indicateurs plus pertinents et adaptés aux objectifs doivent remplacer les indicateurs inappropriés, par exemple ceux qui créent de fausses incitations.

Exemple: Un indicateur ne doit pas mettre l’accent sur la productivité d’un écosystème, mais plutôt sur la durabilité de son utilisation.

Pro Natura dresse le bilan

Lors de la définition des objectifs du cadre de référence mondial, chaque mot a été soigneusement pesé. Le temps était compté et les ONG n’ont donc pas eu beaucoup d’occasions de s’exprimer lors des négociations. Au préalable, Friedrich Wulf, chef de projet Politique internationale de la biodiversité au sein de Pro Natura, avait souligné les pierres d’achoppement. Il dresse maintenant le bilan de la conférence:

1. L’échange et la standardisation doivent faire progresser la mise en œuvre

La mise en œuvre du cadre précédent était très difficile: elle était laissée à la seule discrétion des offices de l’environnement et il n’y avait pas de directives sur la manière dont elle devait être effectuée et suivie. La mise en œuvre devrait être nettement facilitée dans le nouveau projet:

  • Un mécanisme de mise en œuvre cyclique est proposé. Il met à contribution tous les offices au niveau national. La Suisse s’est engagée de façon constructive en faveur de cette solution. Toutefois, sa proposition de mettre en place un forum de dialogue international n’a pas été suffisamment soutenue.
  • Des modèles standardisés au niveau international sont proposés. Les stratégies et les rapports nationaux sur la biodiversité sont rédigés selon ces modèles. Les améliorations à apporter au niveau de la mise en œuvre peuvent ensuite s’appuyer sur ces derniers. Malheureusement, le temps a manqué pour discuter de ces propositions et les valider. Cela devra être fait en juin.

2. Le financement: le sujet qui fâche

Il manque au moins 700 milliards de francs au niveau mondial pour mettre en œuvre les nouveaux objectifs. Aucun pays n’est actuellement prêt à augmenter significativement ses contributions. Un Global Biodiversity Fund (GBF), c’est-à-dire un instrument de financement spécial pour la biodiversité mondiale, reste illusoire.

Une grande partie du financement pourrait être obtenue si toutes les subventions dommageables à la biodiversité étaient supprimées ou transformées. Les États signataires sont d’accord sur ce point, mais le problème consiste à identifier ces subventions pour ensuite modifier leur affectation ou les supprimer. De plus, cela ne satisfait pas les souhaits de financement des pays en développement.

Habitat: la prairie
«Les pays en développement n’approuveront pas le cadre sans promesses de financement claires»
Friedrich Wulf, chef de projet Politique internationale de la biodiversité au sein de Pro Natura

La question du financement n’a pas pu être résolue lors de cette conférence préparatoire. Mais lors de la COP15 à l’automne 2022, lors de laquelle le cadre de référence doit être adopté, la pression sera nettement plus forte. En effet, les pays en développement n’approuveront pas le cadre sans promesses de financement claires. Ils l’ont rappelé une nouvelle fois lors de la conférence préparatoire.

3. La responsabilité: les États doivent être mis face à leurs responsabilités

La sauvegarde de la diversité biologique ne peut être laissée entièrement aux entreprises et aux consommateurs. Les États doivent mettre en place des règles et des incitations afin de réduire la surconsommation, responsable de nombreux effets néfastes sur les écosystèmes.

Là encore, nous avons fait un grand pas en avant: nous avons mis les États face à leurs responsabilités. Il est de leur responsabilité d’établir des garde-fous et de mettre en place des régulations étatiques.

4. Les surfaces protégées: un objectif en termes de surface ne suffit pas

La «Coalition de la Haute Ambition», à laquelle la Suisse appartient également, veut parvenir à ce que 30 % de la planète au total soient protégés d’ici à 2030. Malgré l’important soutien de nombreux États, il n’est pas certain que les parties puissent se mettre d’accord sur un pourcentage précis.

La question de savoir si les droits des autochtones doivent être respectés, très importante à nos yeux, reste elle aussi ouverte. Il est nécessaire que leurs territoires soient pris en compte, que tous les territoires soient gérés de manière représentative, efficace et équitable, et qu’ils soient reliés entre eux par des corridors écologiques. Seuls les territoires qui répondent à tous ces critères peuvent être comptabilisés dans l’objectif.

Aucun objectif en termes de surface ne doit être atteint au détriment des indigènes, qui seraient chassés de leurs territoires. Il faut un indicateur qui vérifie que les droits de l’homme sont bien respectés. Celui-ci n’a pas encore été créé dans le projet actuel.

CBD Bertrand Sansonnens
Les populations autochtones et locales sont les meilleures gardiennes de la biodiversité – Les droits des autochtones doivent impérativement être respectés.

5. La conservation avant la restauration: accord sur la préservation des milieux naturels

La nouvelle proposition prévoit également de restaurer 20 % des écosystèmes dégradés. Toutefois, la préservation des milieux naturels existants, comme les marais et les forêts centenaires, doit avoir la priorité absolue. Cette proposition a été présentée avec succès par les ONG, il reste à espérer qu’elle sera maintenue et incluse dans la version finale.

Le temps était compté et les débats nourris

Pendant deux ans, les délégués des pays ne se sont plus rencontrés en personne. Il n’est donc pas étonnant qu’il y ait eu beaucoup de retard à rattraper, malgré toutes les réunions en ligne. Aussi le temps n’a pas suffi pour mener à bien les nombreuses négociations. Les textes provisoirement adoptés regorgent de crochets, placés autour des propositions qui ne font pas encore l’unanimité. Avant le début de la Conférence des Parties, prévue en septembre en Chine, il y aura donc une autre ronde de négociations, prévue en juin à Nairobi.

Pour faire face à la crise de la biodiversité, les intérêts nationaux et économiques doivent être mis de côté. Un effort auquel personne ne semblait vraiment prêt lors des négociations à Genève. Au contraire, certains objectifs du projet ont même été fortement dilués pour parvenir à un accord. Il reste à espérer que la prochaine ronde de négociations à Nairobi permette de maintenir un certain niveau et d’aboutir à des objectifs ambitieux et efficaces. Faute de quoi le nouveau cadre de référence mondial sera plus mauvais que le précédent.

Habitat: la prairie
Agir pour la nature, partout!
Pro Natura est la plus ancienne organisation de protection de la nature en Suisse. Nous aimons la nature, défendons ses intérêts et faisons entendre sa voix. Nous gérons plus de 700 réserves naturelles et nous engageons en faveur de la biodiversité et des paysages naturels sur le plan politique également, ainsi que par le biais de l’éducation à l’environnement et de notre travail de relations publiques. Soutenez-nous!