La tour Eiffel
30.05.2022 Énergie

La fin de la tour Eiffel

Vous êtes au courant ? Pour faire face à la pénurie d’acier à laquelle est confrontée l’industrie automobile en crise, les autorités françaises ont pris des mesures drastiques. La moitié supérieure de la tour Eiffel sera démontée et fondue.

L’Assemblée nationale a fini par accepter ce projet au terme d’un débat très émotionnel et parfois houleux. «Tout le monde doit fournir sa contribution», a exhorté le président de la République. La tour ne disparaîtra pas complètement. Pour atténuer l’effet de la mesure, une ingénieuse installation lumineuse imitera la pointe de la tour pendant la nuit.

Vous vous doutez bien que cette nouvelle est une pure invention. Mais remplacez «tour Eiffel» par «chutes du Rhin» et «acier» par «électricité». Déplacez aussi la situation de Paris à Schaffhouse et vous aurez bien affaire à la réalité. Les plus grandes chutes d’eau de Suisse – comme la tour Eiffel, une des principales attractions françaises – risquent de subir le même sort que de nombreux cours d’eau qui, par le passé, offraient des paysages spectaculaires.

Au lieu de laisser les eaux du Rhin dévaler au-dessus des rochers, il est prévu d’en détourner une partie en amont pour la turbiner afin de satisfaire l’appétit insatiable en électricité de notre société. L’intervention sera bien sûr minime. Mais peut-on le croire ? Une fois la porte ouverte, les convoitises vont s’aiguiser. Quand bien même les Schaffhousoises et les Schaffhousois ont clairement rejeté, il y a huit ans à peine, une modification de loi permettant d’exploiter la force hydraulique des chutes du Rhin.

La décence politique voudrait que ce sujet ne soit plus abordé le temps d’une génération au moins. Mais alors que la destruction d’un monument national est hors de question, aussi bien la droite que la gauche de notre pays sont d’accord qu’en ce qui concerne les plus célèbres chutes d’eau, «tout le monde doit apporter sa contribution à la transition énergétique». Tout le monde ? L’homo sapiens aussi ? Ou est-ce que ce sont seulement les quelque 60 000 espèces vivant dans notre pays, qui n’ont pas besoin d’électricité, qui doivent se sacrifier ?

En tant que bipèdes doués d’intelligence, nous pouvons faire beaucoup de choses pour empêcher que des paysages exceptionnels soient défigurés. A-t-on déjà tout fait pour remplacer au plus vite les chauffages électriques extrêmement gourmands en électricité ? Est-il aujourd’hui obligatoire d’utiliser l’énergie solaire pour préchauffer l’eau dans les nouvelles constructions et les bâtiments transformés ? Bien sûr que non. Les investissements nécessaires servent plutôt à financer des nouvelles centrales électriques. Il serait pourtant très facile, si nous voulions protéger la biodiversité, d’économiser l’électricité que devraient produire les chutes du Rhin.

Dès que la situation se concrétise et que les mandats de construction pointent le bout de leur nez, les belles déclarations d’intention politiques en faveur de la protection de la biodiversité ou de l’économie d’électricité sont vite oubliées. «L’électricité, c’est la moitié de la vie», vantait une publicité des producteurs d’électricité. La biodiversité, c’est toute la vie. Aussi la nôtre.

RICO KESSLER, rédacteur

Rheinfall Angela Peter

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Cet article a été publié dans le Pro Natura Magazine.



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