Photo de la plaine alluviale de Reussegg vue d'en haut Pro Natura Aargau
08.10.2025 Agriculture

Une révision menace la collaboration éprouvée entre agriculture et protection de la nature

Avec sa révision du droit foncier rural (LDFR), le Conseil fédéral rend presque impossible l’acquisition de terrains agricoles à des fins de protection de la nature. Cette modification anéantirait une pratique qui a fait ses preuves depuis des décennies et qui permet aujourd’hui des solutions gagnant-gagnant entre l’agriculture et la protection de la nature.

Selon les modifications prévues à l’art. 64 LDFR, l’acquisition de terrains agricoles par la Confédération, les cantons et les communes ne serait possible que lorsque le terrain se trouve déjà dans une zone de protection selon la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) ou qu’il constitue un objet d’importance nationale, régionale ou locale selon la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN). Cela exclurait les acquisitions de surfaces en dehors des zones protégées – même si ces surfaces peuvent comporter une grande valeur pour la nature et la mise en réseau écologique. En outre, l’acquéreur devrait démontrer que la protection est «ainsi mieux assurée à long terme». Une telle preuve est très difficile à apporter dans la pratique et causerait une insécurité juridique.

La fin d’une pratique établie et déjà très limitée

Dans certaines situations exceptionnelles et à de strictes conditions, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations de protection de la nature peuvent acquérir des terrains agricoles lorsque des intérêts publics importants l’exigent - toujours à condition d’obtenir l’accord des propriétaires actuels. Cette pratique est équilibrée: seuls environ cinq pour cent des acquisitions approuvées concernent la protection de la nature et du paysage. Les cantons confirment que de telles acquisitions se font de manière limitée. Dans le canton de Zurich par exemple, elles s’élevaient à six pour cent des demandes approuvées 2023. Or, il s’agit de surfaces importantes pour garantir l’état des plus belles perles naturelles de notre pays.

Dans leurs prises de position, les cantons alertent que cette révision les limiterait fortement dans la réalisation de leurs tâches en matière de protection de la nature et du paysage et les contraindrait à recourir plus souvent à des expropriations. Celles-ci ne satisferaient aucune des parties prenantes, feraient augmenter les coûts et nuiraient aux bonnes relations entre agriculture et pouvoirs publics.

Nature et agriculture profitent toutes deux de la situation actuelle

Les règles actuelles permettent de trouver des solutions qui servent autant les intérêts de la protection de la nature que ceux de l’agriculture. Une fois le terrain vendu, il reste en principe exploité et entretenu par le même agriculteur – cela peut même être garanti juridiquement. Pour eux, un bail à ferme est en outre généralement plus avantageux qu’un achat. Parmi les exemples, citons l’achat cet été par le canton d’Argovie d’une parcelle (7700 m²) dans la commune de Mellingen adjacente à un site de reproduction de batraciens d'importance nationale afin d'agrandir l'habitat des amphibiens. L'exploitation des terres est actuellement assurée par un agriculteur local et le restera dans la mesure du possible après la réalisation du projet.

Ces achats de surfaces ont des effets concrets et tangibles pour des espèces bien connues. L’acquisition de parcelles pour le petit-duc à Grimisuat (VS), par la Station ornithologique suisse, en est un exemple emblématique. Le petit-duc scops a bénéficié de l’exception prévue par la loi qui permet l’acquisition de surfaces agricoles par des non-exploitants pour la protection d’une espèce ou d’un biotope rare. Grâce à cette exception, le petit-duc, en danger en Suisse, retrouve aujourd’hui des habitats favorables à sa survie.

La révision prévue affaiblirait la protection de la nature et du paysage, renchérirait les projets et mettrait en danger la bonne collaboration entre agriculture, pouvoirs publics et protection de la nature. Pro Natura demande au parlement fédéral de refuser ces limitations et de maintenir les dispositions actuelles, qui ont fait leurs preuves.

Contact:

  • Sarah Pearson Perret, directrice romande de Pro Natura, 079 688 72 24, @email