Palmiers à huile Bertrand Sannsones
28.08.2018

Pas de libre-échange pour l’huile de palme

Selon les données de l’administration fédérale des douanes (AFD), au cours des 30 dernières années l’importation d’huile de palme a été multipliée par plus de huit, passant de 3'500 à 29'500 tonnes entre 1988 et 2017. Ces chiffres ne tiennent pas compte de l’importation d’huile de palmiste et des dérivés de l’huile de palme, ni des quantités importantes d’huile de palme importées par le biais des produits transformés.

Une réduction des droits de douane sur l’huile de palme dans le cadre des accords de libre-échange avec l’Indonésie et avec la Malaisie augmenterait encore plus sa consommation. Ce serait une erreur aussi bien du point de vue de la politique extérieure et agricole que du point de vue des droits humains, de l’écologie et de la santé, comme le montrent les arguments ci-après. C’est pour cela que la coalition sur l’huile de palme s’engage pour l’exclusion de l’huile de palme des négociations en cours avec la Malaisie et l’Indonésie.

Incohérent du point de vue de la politique extérieure

La Suisse a répété plusieurs fois qu’elle voulait améliorer la cohérence de sa politique extérieure. Une importation accrue d’huile de palme serait contraire à cet objectif. Car elle entraînerait une augmentation de la culture de celle-ci, avec les conséquences sociales et écologiques que cela implique ; elle serait en contradiction avec les engagements de la Suisse dans le cadre de l’Agenda 2030 de l’ONU pour le développement durable ; et elle contredirait l’affirmation du Conseil fédéral de vouloir s’engager en faveur de modes de production et de consommation plus durables. De surcroît, une augmentation de la consommation d’huile de palme sur la base de préférences tarifaires ne serait pas compatible avec les efforts de la Suisse pour rendre sa politique extérieure en matière de droits humains plus cohérente, car l’augmentation de la production entraînerait aussi une augmentation des violations systématiques des droits du travail et des droits humains dans les plantations de palmiers à huile.

Insensé du point de vue de la politique agricole

Avec le colza HOLL, une variété qui a des propriétés de transformation semblables à l’huile de palme, l’agriculture suisse dispose d’une alternative locale à l’huile de palme. C’est aussi pour cela que la Confédération a soutenu massivement le développement de cette variété. De plus, le colza constitue un pilier de l’agriculture suisse et il est important dans la rotation des cultures. Un remplacement additionnel des huiles indigènes par de l’huile de palme produite dans des conditions non durables contredit donc entièrement les efforts de politique agricole de la Confédération pour une agriculture écologique et économiquement viable.

Droits humains et du travail sous pression

Plusieurs études ont documenté des violations graves des standards internationaux du travail dans les plantations de palmiers à huile, qui vont du travail des enfants au travail forcé, en passant par des salaires proches de l’esclavage. A cela s’ajoutent des conséquences pour la santé par l’utilisation de pesticides très toxiques, qui n’affectent pas seulement les travailleurs des plantations, mais aussi les habitants des villages environnants. Un problème supplémentaire concerne le mépris des droits des populations autochtones internationalement reconnus dans l’attribution de terres pour les plantations de palmiers à huile. Le registre foncier national indonésien a à lui seul enregistré plusieurs milliers de conflits fonciers non résolus entre les multinationales de l’huile de palme et les communautés locales.

Dégâts environnementaux énormes

Les plantations de palmiers à huile sont considérées comme la cause principale de la destruction de la forêt tropicale en Asie du sud-est. Rien qu’en Malaisie, les plantations augmentent chaque jour d’une surface équivalente à 500 terrains de football. En Malaisie et en Indonésie, qui produisent 85% de l’huile de palme dans le monde, 150'000 km2 de forêt tropicale ont été détruits à ce jour. Il a ainsi été démontré que les palmiers à huile réduisent la biodiversité encore plus que toutes les autres cultures, ce qui met particulièrement en danger l’orang-outan, qui ne vit à l’état sauvage qu’à Sumatra et Bornéo. De plus, les incendies causés par la déforestation et l’assèchement des tourbières émettent d’énormes quantités de CO2 – un milliard de tonnes en 2015 rien que pour l’Indonésie.

Problématique du point de vue de la santé

Les produits qui contiennent de l’huile de palme peuvent contenir des substances problématiques comme les esters glycidyliques d’acides gras. Les concentrations les plus élevées de ce contaminant ont été trouvées dans l’huile de palme raffinée et se retrouvent aussi dans la nourriture pour bébé contenant de l’huile de palme. Elles sont potentiellement nocives pour la santé et sont considérées par les milieux scientifiques reconnus comme « probablement cancérigènes ». A cela s’ajoute le fait que l’huile de palme est riche en acides gras saturés, ce qui augmente le risque de maladies cardio-vasculaires. Avec l’augmentation de la présence d’huile de palme dans la nourriture et la consommation accrue de produits finis, ce risque pour la santé croît aussi.

Août 2018

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