Wolf in der Schweiz Biosphoto Sergio Pitamitz
21.07.2022 Loup, lynx, ours

Gestion du loup en Suisse: les solutions existent, à la politique de les mettre en œuvre

Les attaques de loups durant la saison d’estivage font les titres de l’actualité, et nous font presque oublier les succès obtenus ces deux dernières années: les organisations de protection de la nature ainsi que les milieux de l’agriculture, de la sylviculture et de la chasse collaborent pourtant pour trouver des solutions pragmatiques et largement soutenues pour gérer le loup.

Beaucoup de connaissances ont été acquises en matière de gestion du loup en Suisse ces dernières années, que ce soit dans la pratique, au niveau des cantons ou au niveau des groupes d’intérêt. Il appartient désormais aux milieux politiques et aux autorités d’élaborer un compromis législatif satisfaisant et d’offrir de l’aide sans barrières bureaucratiques. La collaboration est un maître mot pour l’avenir. Pro Natura fait un point de la situation: que se passe-t-il actuellement sur le plan politique? De quels moyens disposent déjà les paysannes et paysans? Qu’en pensent les organisations environnementales?

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Confédération et cantons
À l’alpage
Organisations environnementales et groupes d’intérêt

Confédération et cantons: plus de moyens financiers pour la protection des troupeaux

La Confédération, les cantons et les organisations accordent un large soutien technique et financier aux détentrices et détenteurs d’animaux ; un soutien qu’il est prévu de renforcer.

  • La Confédération a abaissé le seuil de dommages
    Le seuil de dommages à partir duquel des meutes de loups peuvent être régulées ou des individus isolés peuvent être abattus a été abaissé de quinze à dix animaux de rente tués (ou deux pièces de gros bétail) lors d’une adaptation de l’ordonnance sur la chasse (juillet 2021). Les géniteurs particulièrement nuisibles peuvent dorénavant aussi être abattus.
  • La Confédération renforce son soutien financier à la protection des troupeaux
    Pour l’été 2022, la Confédération a par ailleurs débloqué un total de 5,7 millions de francs pour des mesures immédiates de protection des troupeaux. Cette somme permet par exemple de financer du personnel auxiliaire ou de soutenir l’acquisition d’un logement mobile pour les bergers sur des alpages isolés. Les exploitants d’alpages peuvent aussi déposer des demandes auprès des cantons.
    En 2021, le budget ordinaire à la disposition de l’OFEV pour la protection des troupeaux est passé de 2,9 millions de francs à 3,7 millions de francs.
Herdenschutz Sara Wehrli
  • Les cantons augmentent leurs contributions à la protection des troupeaux
    Certains cantons ont déjà augmenté leurs contributions à la protection des troupeaux pour cette année en réaction aux mesures d’urgence de la Confédération pour 2022. C’est par exemple le cas des Grisons (400'000 francs supplémentaires) et du Valais (1 million supplémentaire). D’autres cantons vont suivre.
  • Dédommagements pour les animaux de rente tués
    La Confédération et les cantons se partagent les coûts des attaques de loups contre des animaux de rente selon la clé 80 %/20 %. Chaque année, des dédommagements se montant à environ 0,3 million sont versés aux détenteurs d’animaux de rente.
  • Directives de l’OFEV pour déterminer si un alpage peut être protégé ou non
    L’OFEV élabore des directives ayant pour objectif d’aider les cantons à classer leurs alpages à moutons dans les catégories «peut être protégé» ou «ne peut pas être protégé» à l’aide de critères uniformes. Ce classement est décisif lorsqu’il s’agit de prononcer ou non une autorisation de tir à la suite d’une attaque. Ces directives doivent être publiées cet été encore.

À l’alpage: conseils et soutien pratique

Lentement mais sûrement, la protection des troupeaux devient une évidence. Cette mesure reçoit également le soutien de la population. Nombre de bergères et bergers engagés abattent un travail considérable, et des interventions dans les effectifs de loups sont autorisées lorsque c’est nécessaire.

  • Conseils en matière de protection des troupeaux de la part des cantons
    Les cantons conseillent les détentrices et détenteurs d’animaux de rente dans la planification et la réalisation de mesures adaptées pour protéger leurs troupeaux. Ce sont les conseillères et conseillers cantonaux en matière de protection des troupeaux qui en sont chargés.
  • Soutien pratique aux bergers
    Dans le cadre de projets tels que «Pasturs Voluntaris» et «Oppal», des bénévoles sont formés pour soulager les bergères et bergers. Ils s’engagent à surveiller les troupeaux à l’alpage sur de très courtes durées ou plusieurs semaines, le jour ou la nuit.
    Pasturs Voluntaris
    OPPAL - Organisation Pour la Protection des Alpages
  • Soutien financier aux mesures de protection des troupeaux
    Cela fait de nombreuses années que les organisations environnementales (CHWolf, Groupe Loup Suisse, Pro Natura, WWF Suisse) soutiennent financièrement des projets de protection des troupeaux sur différents alpages. Dans les cas de rigueur, les demandes peuvent toujours leur être adressées lorsqu’il s’agit de répondre rapidement à des besoins de financement qui ne sont pas encore couverts par la Confédération et/ou les cantons.
  • Autorisations de tir: aujourd’hui déjà, les loups au comportement problématique peuvent être tirés rapidement
    Durant les douze derniers mois (juillet 2021 à juillet 2022), douze loups ont été tirés et il n’y a eu aucune opposition de la part des organisations environnementales. Cela montre que les interventions ciblées dans les populations de loups peuvent être réalisées aujourd’hui déjà.
Herdenschutzhund Sara Wehrli

Organisations environnementales: proposition de loi pour une cohabitation pacifique avec le loup

Depuis 2021, les organisations de protection de la nature et les milieux de l’agriculture, de la sylviculture et de la chasse entretiennent un dialogue constructif sur le plan politique, qui leur a permis de mieux se comprendre, d’apprendre les uns des autres et de mettre au point une proposition de loi pragmatique et largement soutenue dans le but de favoriser la révision rapide et efficace de la loi sur la chasse.

  • Un dialogue constructif: les organisations de protection de la nature et les milieux de l’agriculture, de la sylviculture et de la chasse ont adopté une position commune concernant les dispositions en matière de tir et l’adressent à l’Office fédéral de l’environnement et aux cantons. Ils attendent des autorités qu’elles observent des délais courts pour trancher sur les questions de régulation et de tir. En ce qui concerne les tirs de loups, les organisations de protection de la nature promettent de ne faire usage de leur droit de recours qu’avec beaucoup de retenue. Les différents groupes d’intérêt échangent par ailleurs sur les leçons tirées de la saison d’estivage et apprennent les uns des autres.
  • Un projet de loi plus modeste de la part des organisations directement concernées:
    Depuis l’été 2021, les représentantes et représentants des milieux de la protection de la nature, de l’agriculture, de la sylviculture et de la chasse se sont régulièrement rencontrés afin de mettre au point une révision de la loi sur la chasse capable d’obtenir la majorité. Ils ont ainsi élaboré un nouveau projet de loi plus abouti, que toutes les organisations concernées soutiennent. Ce projet prévoit une approche intégrative de la gestion du loup:
    • les populations régionales de loups restent protégées;
    • le rôle du loup dans l’écosystème est pris en considération dans les décisions de régulation;
    • les tirs préventifs sont désormais possibles en cas de probables dégâts significatifs, et ce rapidement;
    • la protection des troupeaux est désormais entièrement compensée.
Wald
Proposition de loi
Ce compromis des organisations concernées, largement soutenu, ne pourrait entrer en vigueur qu’à partir de l’été 2023. Il appartient désormais à la politique de le promouvoir.
Il peut arriver qu’un animal de rente d’un troupeau protégé soit tué. Qu’est-ce que cela signifie en ce qui concerne l’efficacité de la protection du troupeau?

90 % des attaques ont lieu dans des troupeaux non protégés. Il est avéré que la protection des troupeaux empêche la plupart des attaques. Le fait que le nombre d’animaux tués par loup soit en baisse en Suisse démontre aussi que les mesures de protection des troupeaux sont efficaces. Une méta-analyse* a montré que la protection des troupeaux au moyen de clôtures ou de chiens diminue le risque d’attaques de 50 % à 100 %. Mais il n’existe pas de protection absolue. La protection des troupeaux est comparable à la ceinture de sécurité sur la route : ce n’est pas parce qu’il y a encore des décès sur la route que la ceinture de sécurité n’est pas efficace ou que l’on peut y renoncer. Les annonces de succès dans ce domaine ne sont malheureusement pas reprises dans les médias. Nous n’apprenons donc rien sur les loups qui n’attaquent pas de moutons ni sur les mesures de protection des troupeaux qui ont empêché des attaques. Il y a pourtant de nombreux exemples positifs.

* Bruns, A. et al. (2020): The effectiveness of livestock protection measures against wolves. In: Global Ecology and Conservation 21 (2020)

La protection des troupeaux n’est pas supportable sur tous les alpages. Est-ce une raison pour que les moutons restent à la bergerie durant l’été et pour ne plus exploiter les alpages?

Les détenteur·trice·s d’animaux doivent assumer la responsabilité de leurs animaux dans le sens de la protection des animaux, les élever dans de bonnes conditions et les protéger le mieux possible contre toute atteinte. Sur les alpages étendus et non protégés, les accidents et les maladies des animaux de rente ne sont souvent découverts que très tard. En fonction de la taille et de la nature du terrain, il peut arriver que la protection d’un troupeau ne soit pas supportable sur un alpage. Les évaluations en la matière sont toutefois encore en cours d’élaboration dans la plupart des cantons. Ce n’est pas une raison pour que les moutons restent à la bergerie durant l’été, mais le cas échéant, il faut trouver des solutions sur d’autres alpages en regroupant des troupeaux ou en adaptant les structures.

Dans le canton d’Uri, par exemple, la Corporation d’Ursern analyse actuellement (2022) si certains pâturages à vaches peuvent être convertis en pâturages à moutons, les rendant ainsi plus faciles à protéger. Les éleveurs de moutons à nez noir dans le val de Tourtemagne (VS) ont regroupé leurs petits troupeaux et les conduisent maintenant ensemble sur un alpage plus grand qui peut être mieux protégé. De telles solutions permettent de mieux protéger les animaux de rente, au loup de jouer son rôle de régulateur des cervidés et d’exploiter plus efficacement les alpages.

Il arrive de temps en temps que l’on aperçoive des loups à proximité de lieux habités. Ces loups constituent-ils un risque pour la population?

Un loup qui rencontre un être humain n’est pas forcément dangereux. Cela fait partie du comportement normal des loups de passer de temps en temps à proximité de maisons habitées, même de jour, de traverser de temps à autre un village de nuit ou de chercher de la nourriture en bordure d’une localité. L’expérience montre qu’un tel comportement ne constitue généralement pas une menace pour les êtres humains. Nous devons apprendre à évaluer correctement le comportement des loups et à reconnaitre les individus qui représentent effectivement un risque.

Dans le parc national de Yellowstone, que des millions de touristes visitent chaque année et où les animaux sauvages se sont habitués aux êtres humains, il n’y a encore jamais eu d’attaque, alors qu’il y a régulièrement des rencontres entre les  

Les vaches mères et les chiens domestiques sont beaucoup plus dangereux que les loups en termes de blessures et d’attaques mortelles. En Suisse, il y a pratiquement chaque année un ou plusieurs incidents graves impliquant des vaches et des chiens.

Pro Natura est clairement favorable aux tirs de loups qui montrent effectivement un comportement menaçant, s’approchent de façon ciblée des êtres humains, par exemple, et ne se laissent pas effrayer par du bruit. Notre objectif, c’est que les loups craignent les êtres humains et les évitent autant que possible – et que les êtres humains connaissent les loups et leurs comportements. Voilà comment rendre la coexistence possible.

Il est arrivé que des loups attaquent du gros bétail tel que des vaches ou des ânes. Que faut-il faire dans ces cas-là?

Les attaques contre le gros bétail, tel que les vaches ou les ânes, sont des exceptions et représentent seulement 1 à 2 % des animaux de rente tués. Pro Natura considère également que les attaques répétées contre le gros bétail ne sont pas acceptables. Dans de tels cas, nous nous prononçons aussi pour le tir du loup qui provoque ces dégâts. Il est généralement admis – en tenant compte de la longue expérience dans ce domaine à l’étranger – qu’un loup isolé n’est en principe pas capable de s’attaquer à des bovins, car ils sont trop gros et capables de se défendre. Les meutes en sont par contre capables, surtout si l’animal visé est affaibli.

Les mesures recommandées pour protéger les troupeaux de moutons et de chèvres – clôtures électrifiées appropriées et chiens de protection des troupeaux – sont généralement plutôt disproportionnées compte tenu du faible risque que les loups font courir au gros bétail. Certaines mesures structurelles simples peuvent toutefois déjà réduire le risque d’attaques de loups: il s’agit par exemple de ne pas laisser les vaches vêler sur les pâturages alpestres, de sélectionner de façon ciblée les vaches ayant un fort instinct maternel et de renoncer à l’écornage (dans la nature, les cornes servent avant tout à la défense).

Est-ce une perte ou un gain pour la biodiversité que des alpages soient quittés prématurément ou abandonnés à cause de la présence de loups et que l’embroussaillement augmente?

Le loup fait partie de la biodiversité indigène en Suisse. Nous disposons de la meilleure biodiversité avec le loup et avec tout le reste de la diversité alpine. C’est pour cela que nous devons développer une forme d’estivage qui rende la coexistence avec le loup possible et serve la biodiversité dans son ensemble. À court terme, cela peut signifier dédommager les détenteur·trice·s d’animaux de rente pour une désalpe anticipée et fermer un œil en ce qui concerne les paiements directs. Mais à long terme, il faut modifier le système d’estivage ou renoncer aux alpages qui ne peuvent pas être protégés. Ce faisant, il faut tenir compte du fait que l’agriculture de montagne est en transition depuis longtemps et que des alpages sont abandonnés chaque année – le loup n’y joue souvent que le dernier de nombreux rôles.

Ce n’est pas toujours une perte pour la nature, car tous les pâturages à moutons ne sont pas forcément favorables à la biodiversité. Du point de vue de la protection de la biodiversité, il faut en priorité maintenir les alpages qui sont importants pour les espèces animales et végétales rares. Une meilleure protection des troupeaux implique souvent une meilleure protection de la biodiversité. Si en tant que société nous voulons maintenir à la fois le loup et l’économie alpestre traditionnelle en Suisse, nous devons soutenir les exploitant·e·s d’alpages. C’est la raison pour laquelle Pro Natura revendique la mise en œuvre des adaptations structurelles nécessaires en passant par davantage de contributions publiques et de personnel sur les alpages, des conseils ainsi qu’un soutien proactif des détenteur·trice·s d’animaux par les cantons.

Les loups tuent aussi des animaux de rente sans les manger. Les photos de telles scènes peuvent choquer. Comment peut-on l’empêcher?

Nous sommes également affecté·e·s par les photos d’animaux tués. C’est pour cette raison que la protection des troupeaux fait partie de la protection des animaux. Nous voulons que les loups se nourrissent d’animaux sauvages et qu’ils puissent remplir leur fonction écologique dans la forêt. La protection des troupeaux y contribue, car elle réduit la motivation des loups à attaquer des animaux de rente. Il faut en même temps tenir compte du fait que chaque année, 4000 moutons meurent durant l’estivage à cause de maladies, d’accidents et de la foudre*.

Pour chaque mouton tué par un loup, quatre à cinq autres moutons meurent d’autres causes considérées comme naturelles. Ces décès sont aussi souvent accompagnés d’un profond chagrin et leur nombre pourrait être réduit par une meilleure surveillance des troupeaux. La présence du loup en Suisse n’est pas moins naturelle qu’un orage et nous refusons de condamner moralement un prédateur pour le simple fait qu’il suit son instinct naturel en tuant d’autres animaux.

*Chiffres établis dans le cadre du projet de recherche AlpFUTUR

Le loup n’est plus une espèce menacée en Suisse ni ailleurs sur la planète. Pourquoi Pro Natura continue-t-elle à s’engager pour lui?

Ce sont les loups qui vivent en Suisse qui jouent un rôle écologique important chez nous – pas ceux qui vivent en Amérique du Nord ou en Europe orientale. La Suisse est un pays riche qui ne peut pas attendre de pays beaucoup plus pauvres qu’elle qu’ils protègent le loup ou d’autres animaux sauvages qui génèrent des conflits, comme les lions et les éléphants, si elle ne le fait pas elle aussi. Il en va de même en ce qui concerne la protection du climat. Nous ne devrions pas compenser nos émissions en Afrique et attendre que quelqu’un d’autre se restreigne pour notre bonne conscience.

Pro Natura est active sur de nombreux fronts de la protection de la nature et des espèces. Elle encourage et soutient aussi de nombreuses espèces sauvages, comme certains papillons et le lièvre brun, bien plus activement qu’il n’en sera jamais le cas pour le loup. Nous nous engageons pour la biodiversité dans son ensemble, car la crise de la biodiversité est l’un des principaux problèmes de notre époque – le manque d’acceptation à l’égard du loup en est un symptôme. Que des espèces qui étaient menacées puissent se rétablir constitue un espoir – c’est exactement pour cela que Pro Natura s’engage.